Nous venons de prendre de graves décisions dans l’ordre économique et social de notre pays. L’heure n’est plus d’en discuter l’oppoxtunité mais d’en apprécier les conséquences.
Le taux des rémunérations a été relevé, le principe d’un minimum de salaire a été posé et adopté dans nombre d’industries, la réduction des heures de travail est décidée en certains domaines et s’imposera bientôt à l’ensemble de l’activité industrielle, le régime des commissions paritaires et des conventions collectives sera généralisé, l’assurance-chômage sera rendue obligatoire, le sort des chômeurs sera amélioré, des dispositions vont être prises en vue d’abaisser l’âge de la retraite, lȧ politique des travaux publics sera activement poursuivie en faveur plus particulièrement d’entrepxises de caractère social. Telles sont les grandes lignes du programme social de notre gouvernement.
Nous ne cachons pas que ces décisions et ces projets flattent très agréablement nos sympathies sociales. Mais si, en cette matière, ainsi que l’affirme Auguste Comte, il appartient au cœur de suggérer nos problèmes, il convient cependant de ne pas oublier que c’est à l’intelligence que revient la délicate mission de les résoudre. Y a-t-on suffisamment songé ? A vrai dire, nous n’oserions l’affirmer. Nous sommes inquiets et vraiment, peut-on nous faire un grief de nos appréhensions quand on considère d’une part l’enjeu des décisions prises et d’autre part, les conditions éminemment troublées et instables au milieu desquelles nous avons délibérément choisi de tenter une expérience. S’est-on vraiment engagé dans la voie qui, toutes autres choses demeurant égales, améliorera le bien-être de nos populations, ou s’agit-il d’une aventure dont nul ne prévoit le lendemain ? Ne s’est-on pas forgé, une fois de plus, quelques dangereuses illusions auxquelles nous risquons un jour de sacrifier quelques-uns de nos biens les plus précieux ou encore, n’avons-nous pas imprudemment décidé de suivre des exemples dont les enseignements doivent encore être appréciés ? Les considérations qui suivent n’ont d’autre objet que de jeter quelque lumière sur cette grave question.